Manger des insectes plutôt qu’un steak : la prochaine révolution dans votre assiette ?

L’humanité est aujourd’hui confrontée à des défis de plus en plus pressants. Ici, deux nous intéresse particulièrement. Le premier : la sécurité alimentaire. Un concept défini lors du Sommet mondial de l’alimentation de 1996 que nous rappelle la Banque Mondiale dans cet article. « La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ». Le second : le réchauffement climatique, que l’on ne présente plus tant celui-ci devient une réalité de plus en plus tangible dans notre quotidien.

Dans ce contexte, l’idée de remplacer le traditionnel steak par une portion d’insectes pourrait bien représenter la prochaine révolution culinaire. Cette pratique, loin d’être nouvelle, s’inscrit dans une longue tradition alimentaire pour de nombreuses cultures à travers le globe. Aujourd’hui, elle se trouve propulsée sur le devant de la scène internationale comme une solution potentielle aux enjeux nutritionnels et environnementaux du XXIᵉ siècle.

Un héritage millénaire face aux défis contemporains

L’entomophagie n’est pas un phénomène récent. « Les pratiques entomophagiques ont perduré et se sont développées au cours de millions d’années, différemment selon les milieux dans lesquels les hommes ont vécu et les ressources dont ils ont pu disposer, mais aussi selon la façon dont ils ont envisagé leur réel et développé leur imaginaire » nous apprend Élisabeth Motte-Florac, ethnopharmacologue et autrice du livre L’entomophagie : diversités culturelles, ressources biologiques et défis contemporains.

De l’Asie à l’Afrique, en passant par l’Amérique latine, les insectes ont longtemps constitué une part importante du régime alimentaire de nombreuses populations. Aujourd’hui encore, plus de deux milliards de personnes consomment régulièrement des insectes, témoignant ainsi de la pérennité de cette tradition culinaire.

Cependant, ce qui était autrefois considéré comme une pratique marginale ou exotique par les sociétés occidentales se trouve désormais au cœur des réflexions sur l’avenir de notre alimentation. Face à une population mondiale qui devrait atteindre « un nombre proche de 11 milliards » d’individus d’ici 2100 selon l’Organisation des Nations Unies, la question de la durabilité de nos systèmes alimentaires se pose avec une acuité nouvelle. Dans notre modèle de (sur)production, les chances que celui-ci se maintienne d’ici-là sont proches de zéro. Face à ce constat, l’entomophagie apparaît comme une alternative prometteuse, capable de concilier les impératifs de la sécurité alimentaire et de la préservation de la planète.

Une manne nutritionnelle au faible impact environnemental

Les insectes ne se contentent pas d’être comestibles, ils constituent une véritable aubaine nutritionnelle. Riches en protéines de haute qualité, en acides gras essentiels, en vitamines et en minéraux, ils rivalisent donc avantageusement avec les sources traditionnelles de protéines animales. À titre d’exemple, les criquets pèlerins (Schistocerca gregaria), l’une des espèces les plus consommées au monde, contiennent en moyenne 20 g de protéines pour 100 g. Une teneur comparable à celle du bœuf, tout en apportant des nutriments essentiels comme le calcium, le fer et le zinc.

Au-delà de leurs qualités nutritionnelles, les insectes présentent un avantage environnemental considérable. Leur élevage requiert significativement moins de ressources que celui du bétail conventionnel. Selon une étude publiée dans le journal PLoS One en 2015, la production d’un kilogramme de protéines d’insectes nécessite jusqu’à 50 fois moins d’eau que la production d’un kilogramme de protéines de bœuf.

De plus, les émissions de gaz à effet de serre associées à l’entomophagie sont nettement inférieures à celles de l’élevage animal quel qu’il soit, contribuant ainsi à réduire l’empreinte carbone globale de cette pratique. Les insectes convertissent leur nourriture en biomasse (et donc en protéines) beaucoup plus efficacement que les mammifères. Cela signifie qu’ils nécessitent moins de nourriture pour produire la même quantité de protéines, réduisant par conséquent la pression sur les terres agricoles. Ceux-ci peuvent être élevés grâce à des sous-produits de l’agriculture (comme les déchets de fruits et légumes), réduisant ainsi le gaspillage alimentaire et optimisant l’utilisation des ressources.

Les installations d’élevage sont aussi plus simples à mettre en place, moins chères et les insectes ont un cycle de vie généralement plus court que les mammifères, ce qui accélère de fait la production de protéines. En bref, beaucoup d’avantages pour peu d’inconvénients ; sont-ils parfaits pour autant ?

De l’acceptation culturelle aux défis de production : un chemin semé d’embûches

Malgré ses nombreux avantages, l’adoption massive de l’entomophagie en Occident se heurte encore à des obstacles culturels tenaces. Difficile de s’imaginer abandonner tous nos bons plats à base de viande, issus parfois de recettes centenaires. Coq au vin, bœuf bourguignon, lapin à la moutarde ou cassoulet.

En face : des criquets, larves ou fourmis grillés qui peuvent susciter chez nous un dégoût instinctif. « Oui, mais ça a le même goût que le poulet », « Tu verras, avec les épices, on ne sent rien », des arguments, dans le fond, assez réels, mais rien n’y fait. Manger des insectes chez de nombreux consommateurs occidentaux constitue un frein psychologique quasiment infranchissable. Ce phénomène, profondément ancré dans nos sociétés, trouve ses racines dans des siècles de conditionnement culturel associant les insectes à la saleté et aux maladies.

Néanmoins, des signes encourageants émergent. Des entreprises (Jiminis, Entomoshop, Littlebugs, par exemple) développent des produits à base d’insectes sous des formes familières et attrayantes, comme des barres protéinées ou des pâtes alimentaires. Ces initiatives visent à surmonter les réticences initiales en intégrant subtilement les insectes dans des aliments du quotidien. Parallèlement, de plus en plus de médias ou d’associations œuvrent pour déconstruire les préjugés et mettre en lumière les bienfaits de l’entomophagie.

Si l’acceptation culturelle est un gros obstacle à franchir, celui du développement de l’entomophagie à grande échelle va également de pair avec d’autres défis, notamment techniques et réglementaires. Cela nécessitera la mise en place de filières de production efficaces et durables, respectant des normes sanitaires strictes.

L’Union européenne a franchi un cap important en 2021, en autorisant la commercialisation de certains insectes pour la consommation humaine. Le premier insecte autorisé à être commercialisé en tant que « nouvel aliment » fut le ver de farine jaune (larve de Tenebrio molitor), suivi par d’autres espèces comme le criquet migrateur (Locusta migratoria) et certains types de grillons. Cette autorisation faisait suite à des évaluations de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui avait confirmé que ces insectes sont sûrs pour l’Homme.

L’avènement de l’entomophagie comme alternative viable au steak traditionnel nous paraît encore être une utopie (ou dystopie au choix) encore lointaine, mais elle est aujourd’hui une réalité en marche. Peut-être que nous ne verrons jamais nos plats traditionnels remplacés complètement, la mutation culturelle et technique sera certainement trop longue pour cela. En revanche, il est probable que nous assistions un jour à une coexistence entre la consommation de viande traditionnelle et l’entomophagie. Quiche lorraine aux grillons, escalope de poulet aux vers de farine ou ravioles de bœuf et poudre de scarabée, qui sait ce que les chefs cuistots dans 20 ou 30 ans nous réservent ?

  • L’entomophagie offre une solution nutritionnelle durable face aux enjeux contemporains.
  • Les insectes sont riches en protéines et nécessitent beaucoup moins de ressources que l’élevage traditionnel, réduisant ainsi l’empreinte environnementale.
  • Malgré des avantages évidents, des obstacles culturels et techniques freinent encore l’adoption généralisée de cette pratique en Occident.

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