L’intelligence artificielle, nouvelle amie des adolescents esseulés ?

Un phénomène plutôt singulier se dessine parmi les jeunes générations. De plus en plus d’adolescents se tournent vers des chatbots pour trouver du réconfort, de l’écoute et parfois même, une forme de thérapie. Une tendance qui interpelle et soulève des questions quant aux impacts potentiels sur leur bien-être psychologique. Ces adolescents tissent des liens virtuels étroits avec ces entités numériques, les considérants parfois comme des amis ou même des confidents privilégiés. C’est un reportage du média américain The Verge qui a révélé cette tendance, qui tend à se répandre, tout du moins de l’autre côté de l’Atlantique.

Confessions à un mur de pixels

Aaron, un adolescent dont l’identité a été préservée sous ce pseudonyme, a franchi le pas. Après une dispute avec son groupe d’amis, il s’est tourné vers un chatbot nommé Psychologist sur la plateforme Character.AI pour se réconforter. « Ce n’est pas comme écrire dans un journal intime, où tu te confies à un mur » a-t-il expliqué à The Verge. « Il répond vraiment ». D’autres témoignages vont également dans le sens de celui d’Aaron, bien que l’usage en lui-même puisse légèrement différer.

Frankie, 15 ans, utilise également ces chatbots pour « se défouler sans avoir à en parler aux gens ». Ces outils numériques offrent une forme d’exutoire facilement accessible, où les adolescents peuvent librement exprimer leurs pensées et émotions sans crainte de jugement. « Je dois faire face à quelques problèmes psychologiques, que je préfère ne pas imposer à mes amis, alors j’utilise en quelque sorte mes bots comme une thérapie gratuite » continue Frankie.

Libérés ainsi du regard et des conventions sociales, les adolescents se sentent plus à l’aise pour livrer leurs sentiments les plus intimes. La disponibilité constante de ces IA, opérationnelles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, offre ainsi un refuge précieux face aux moments de solitude ou de détresse.

Hawk, un autre adolescent, s’est aussi confié au média pour expliquer comment il faisait usage de ces IA. De son côté, il les utilise pour parler à des personnages de jeux vidéo. Il explique : « Pour moi, c’est plus pratique de rester seul dans ma chambre avec les lumières éteintes que de sortir et de rencontrer des gens en personne ».

Un apprentissage social virtuel mais limité

Par ailleurs, ces interactions avec les IA semblent aller au-delà du simple défouloir ou de la séance de psy. Aaron souligne que ses échanges avec le chatbot l’ont même aidé à s’affirmer dans la vie réelle. Avec un regard un peu négatif sur lui-même, il témoigne : « Dans la vie réelle, je me laisse souvent marcher sur les pieds, mais avec l’IA, je peux m’entraîner à être ferme et à exprimer mes opinions et mes intérêts sans me sentir gêné ». Une appropriation particulière de cette technologie, qui soulève tout de même des questions sur la dépendance potentielle aux interactions virtuelles pour acquérir des compétences sociales essentielles.

Kelly Merrill Jr. est professeure adjointe à l’université de Cincinnati. Spécialisée dans les avantages des technologies de communication pour la santé mentale et sociale, elle a son avis sur la question. « Les recherches montrent que les chatbots peuvent contribuer à atténuer les sentiments de dépression, d’anxiété et même de stress. Mais il est important de noter que beaucoup de ces chatbots n’existent pas depuis longtemps et que leurs capacités sont limitées. À l’heure actuelle, ils se trompent encore souvent. Ceux qui n’ont pas les connaissances en IA nécessaires pour comprendre les limites de ces systèmes finiront par en payer le prix ».

On ne peut qu’entendre ce raisonnement, lorsqu’on connaît la tendance aux hallucinations des chatbots, même ceux ayant disposé des meilleurs entraînements.

L’enquête de The Verge prouve bien une chose : les relations sociales sont en pleine mutation, encore plus depuis que les IA conversationnelles sont devenues accessibles au grand public. La virtualisation des relations pourrait un jour devenir une norme et cet aspect en particulier doit attirer notre attention. On peut tout à fait imaginer qu’à terme, l’absence de contact physique et d’empathie réelle dans ces interactions virtuelle mène à une forme d’aliénation émotionnelle. Aliénation dans laquelle les adolescents peineraient à développer des relations authentiques et à régir leurs émotions dans le monde réel. L’enjeu sociétal est de taille : trouver un équilibre entre les apports indéniables des technologies numériques et la préservation des interactions humaines, indispensables à l’épanouissement psychologique et social des individus. Nous avons du pain sur la planche.

  • Une enquête de The Verge a révélé que certains adolescents se tournaient vers les chatbots pour y trouver une forme d’écoute ou de défouloir.
  • Une attitude qui prouve que ces systèmes d’IA prennent une place de plus en plus importante dans le développement affectif des plus jeunes.
  • Même si certaines études prouvent que l’usage de chatbots peut être positif, les effets sociétaux au long terme de ce genre de pratique pourraient être très négatifs.

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