Que refermait cette capsule temporelle de 117 ans qui vient d’être ouverte ?

Quels objets se cachaient donc dans cette boîte ? Des artefacts historiques ? Un message de nos ancêtres à notre destination ? Des données scientifiques ? Eh bien rien de tout ça, même si ce petit contenant comporte un intérêt scientifique certain. C’est une boîte de lait en poudre, vieille donc de 117 ans qui a été conservée et retrouvée dans les glaces de l’Antarctique. Alors qu’on parle souvent d’alimentation du futur avec, tour à tour, des aliments imprimés en 3D ou encore du riz augmenté en protéines, cette fois, les scientifiques ont pu disposer d’une fenêtre grande ouverte sur les méthodes de production alimentaire passée. Cela peut sembler dérisoire, mais cette relique est un témoignage précieux de la technologie et des habitudes alimentaires d’une époque révolue.

La redécouverte d’un héritage culinaire

Tout commence en 1907, lorsque Sir Ernest Shackleton est en pleins préparatifs de son long et périlleux voyage vers le pôle Sud. Pour sustenter son équipage le long du voyage, il sélectionne la marque néo-zélandaise Defiance pour leur fournir du lait en poudre. Le 31 décembre 1907, leur bateau quitte le port de Lyttelton, un port situé près de Christchurch, en Nouvelle-Zélande. L’expédition Nimrod avec Shackleton à sa tête débute, avec pour objectif d’être les premiers à atteindre le pôle Sud.

Leur navire, le Nimrod, est chargé de provisions essentielles, dont 1 000 livres de lait en poudre, 192 livres de beurre et deux caisses de fromage. Malheureusement, tout ne s’est pas déroulé comme prévu, et les conditions extrêmes les ont contraints à abandonner leurs victuailles au camp de base, dont la fameuse boîte de lait en poudre de Defiance.

Ce vestige de leur long périple a été retrouvé un siècle plus tard grâce aux efforts de l’Antarctic Heritage Trust lors d’un projet de restauration. Cette simple boîte de lait est un témoin des défis logistiques que devaient affronter les explorateurs polaires du XXᵉ siècle, et donc un réel objet de curiosité scientifique.

Analyse et comparaison avec le lait moderne

Skelte G. Anema, co-auteur de l’étude en question et chimiste au Fonterra Research and Development Centre, souligne l’importance de cette découverte : « Le lait déshydraté de Shackleton est probablement l’échantillon le mieux préservé fabriqué pendant les années pionnières de la production commerciale de lait en poudre ».

Les analyses chimiques ont montré que ce vieil échantillon et des échantillons contemporains de lait en poudre, lorsqu’on les comparait, montraient des similitudes assez frappantes dans leur composition. Principalement dans leurs composants nutritifs essentiels : acides gras, phospholipides et protéines. Malgré toutes nos avancées technologiques et les mutations de nos pratiques agricoles lors du siècle dernier, la composition fondamentale du lait en poudre n’a pas tant évoluée.

Cela peut être dû à la nature intrinsèque du lait lui-même, dont certaines qualités essentielles sont très stables malgré les processus de déshydratation. Que ce soit la technique du séchage par rouleaux (utilisée au début du XXᵉ siècle) ou les techniques que nous utilisons actuellement, comme le séchage par pulvérisation. L’excellente conservation de l’échantillon de l’expédition Nimrod prouve que cette méthode de conservation alimentaire est très efficace.

Les différences notables

Même si la composition primordiale du lait était relativement inchangée, l’échantillon différait tout de même par sa qualité et sa sécurité alimentaire.

La distinction la plus importante étant la présence accrue de composés aromatiques, qui s’explique par l’oxydation de l’échantillon. Ces composés peuvent altérer la saveur et le goût du lait, ce qui jouerait certainement sur son appétibilité. L’échantillon en question n’aurait probablement pas un goût très plaisant. Les techniques modernes de production et de conservation ont largement évolué afin de prévenir tout processus d’oxydation en réduisant l’exposition des aliments à l’oxygène.

Le lait de Shackleton contenait également des niveaux bien plus élevés de fer, de plomb ou d’étain, sûrement issus des matériaux de conservation utilisés comme les boîtes en étain. Ces substances, en trop grandes doses, sont toxiques pour l’organisme. Aujourd’hui, l’acier inoxydable est devenu une norme dans la conservation de certains aliments, améliorant ainsi la sécurité et la qualité des produits.

Cette petite boîte de lait avait donc beaucoup à nous apprendre. Certes, les progrès technologiques ont remarquablement fait évoluer notre manière de consommer les aliments, mais les techniques de conservation du siècle dernier n’avaient pas à rougir. Est-ce que ce lait en poudre, si bien conservé, aura permis à Shackleton et à son équipage de poser leurs pieds sur le pôle Sud ? Malheureusement non. Après 73 jours de randonnée et 3 000 km, l’équipe de l’expédition s’arrêtera à 157 km de son objectif, avec un équipage épuisé par les conditions météo. En revanche, elle fut la première expédition à atteindre un point record au sud. Shackleton, par une lettre adressée à sa femme, lui écrira : « J’ai pensé que vous préféreriez un âne vivant à un lion mort ».

  • Une boîte de lait en poudre de 117 ans issu de l’expédition Nimrod a été retrouvée et ouverte pour analyse.
  • L’échantillon, d’un point de vue nutritionnel, était assez similaire avec le lait en poudre actuel.
  • En revanche, celui-ci contenait des substances dues à l’oxydation ainsi que plusieurs métaux lourds.

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