Science : quand le réchauffement climatique ralentit la rotation de la Terre

Le réchauffement climatique nous projette vers un avenir toujours plus sombre et se manifeste de manière parfois très surprenante. Certains de ses impacts sont aujourd’hui très bien documentés et le consensus scientifique est bien établi à propos de celles-ci. Perturbations du régime des précipitations, augmentation du niveau de la mer, impacts sur la sécurité alimentaire, menace sur les écosystèmes naturels et fonte des glaciers et de la calotte glaciaire. C’est justement ce dernier point qui a des conséquences qu’on ne soupçonnait pas encore.

Une récente étude publiée dans Nature le 27 mars, révèle que la fonte des glaces polaires, en redistribuant la masse de la Terre, entraîne un ralentissement de sa rotation. Cela pourrait paraître anecdotique, mais en réalité, nous calculons le temps qui passe par rapport à cette même rotation, ce qui pourrait nous amener à réévaluer le concept même de temps.

Un phénomène gravitationnel global

Pour Duncan Agnew, géophysicien à l’Institut d’océanographie Scripps et co-auteur de l’étude, le phénomène est d’ampleur inédite : « Voilà encore un nouvel impact du changement climatique qui n’avait jamais été observé auparavant ».

En fondant, d’énormes quantités d’eau migrent depuis les pôles vers l’équateur ; ces quantités sont si importantes que la distribution de la masse terrestre s’en voit complètement chamboulée. La vitesse de rotation de la Terre ainsi que sa gravité sont également affectées par le phénomène.

Un exemple facile pour comprendre comment ce phénomène agit est celui d’une patineuse artistique. Imaginez-la tournoyer sur elle-même, les bras serrés autour de sa tête. Maintenant, imaginez qu’elle baise progressivement les bras tout en les étendant vers l’extérieur : naturellement sa rotation ralentit. En physique, ce phénomène est appelé conservation du moment cinétique. Une propriété qui est à la base du fonctionnement du gyroscope (voire vidéo ci-dessous).

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Pour Kylie Kinne, physicienne océanographe et spécialisée sur les effets des calottes glaciaires sur la circulation d’eau dans les fjords, cette découverte est étonnante : « C’est impressionnant de voir à quel point la fonte des glaces est multifacette […] Nous continuons à découvrir de nouvelles manières dont [la fonte des glaces] change le climat et la planète, cette étude en est la preuve ».

Les implications pour la mesure du temps

Cette redistribution de la masse terrestre pourrait potentiellement nous contraindre à ajuster notre système de mesure du temps, le Temps Universel Coordonné (UTC). Traditionnellement, une seconde intercalaire est ajoutée à l’UTC afin de compenser le ralentissement de la rotation terrestre et maintenir l’alignement du temps civil avec le temps solaire moyen.

Toutefois, avec ce nouveau phénomène, cette méthode d’ajustement temporel pourrait devenir insuffisante. Selon les estimations d’Agnew, ces changements pourraient nous conduire à la nécessité de supprimer une seconde intercalaire d’ici 2028 ou 2029 pour refléter avec davantage de précision la durée du jour terrestre.

En réalité, nous aurions peut-être besoin de soustraire une seconde plutôt que de l’ajouter si nous voulons rester synchronisés avec le temps astronomique ; ce serait une première dans l’histoire de l’UTC, depuis son introduction en janvier 1960. Un événement sans précédent dans l’histoire de la chronométrie moderne et une preuve supplémentaire que les conséquences du changement climatique sont multidimensionnelles.

Au cours des 50 dernières années, nos journées se sont donc légèrement raccourcies, d’environ 0,0025 seconde. Jerry X. Mitrovica, géophysicien à l’Université Harvard, a commenté cette étude : « Malgré nos perceptions en tant qu’humains, la Terre n’est pas une horloge parfaite ». Une affirmation qui illustre parfaitement à quel point la mesure du temps est une affaire complexe, imprévisible et étroitement liée aux variabilités de rotation de notre planète.

Le changement climatique, en plus de bouleverser physiquement notre planète et la vie qui s’y est établie, affecte aussi notre rapport au temps, concept immatériel par excellence. Le phénomène décrit par l’étude va donc au-delà des conséquences écologiques et sociales. Alors que nous tenions la mesure du temps pour acquise, il se trouve qu’elle ne l’était pas vraiment. Peut-être que l’humanité devra, pour le temps qui lui reste, redéfinir plus régulièrement son rapport au temps qu’auparavant.

  • Une étude publiée le 29 mars dans Nature a prouvé que la fonte des glaces redistribuait la masse générale de la Terre.
  • Un phénomène qui modifie la vitesse de rotation de la planète ainsi que sa gravité.
  • Cette découverte pourrait nous mener un jour à redéfinir notre manière de calculer le temps, celui-ci étant fondé sur la rotation planétaire.

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