Apple TV+, Prime Video : les GAFAM vont-ils tuer le sport à la TV ?
C’était l’une des annonces choc de ce mois de juin 2022. Apple vient de signer un contrat de diffusion de la MLS, plus gros championnat de soccer aux Etats-Unis, pour un montant de 2,5 milliards de dollars. Dès 2023 et jusqu’à 2032, le public américain devra donc souscrire à l’offre Apple TV+ pour visionner les matchs diffusés auparavant sur une chaîne câblée.
Apple se dit « le partenaire idéal pour accélérer encore la croissance de la MLS ». Cette opération fait suite à un premier pas de la Pomme dans l’univers du sport à la TV. Apple avait déjà mis la main sur la diffusion d’un match du baseball majeur chaque vendredi soir. Et il y a fort à parier que le géant ne s’arrêtera pas là et tentera certainement de rafler quelques créneaux de diffusion des matchs de NFL (foot US), NBA (basketball) et NHL (hockey sur glace).
Amazon, pionnier des droits du sport
Avant Apple, Amazon avait montré la voie. En France, l’américain a raflé les droits de la Ligue 1 de football, sport le plus populaire d’Europe et d’Amérique du Sud. L’accès aux matchs est réservé aux clients ayant souscrit à une offre à 12,99 euros par mois, en plus de l’abonnement Amazon Prime (5,99 euros par mois ou 49 euros par an).
Amazon a également raflé les droits de diffusion du match en nocturne du tournoi de tennis de Roland Garros. Ces deux évènements majeurs, autrefois entre les mains des chaînes publiques ou d’acteurs français (hors Bein Sport), sont désormais réservés aux abonnés. De quoi soulever quelques inquiétudes chez les acteurs du marché, mais aussi de susciter la polémique chez les téléspectateurs.
Qui ne saute pas n’est pas GAFAM
Le match Nadal-Djokovic du tournoi de Roland Garros est l’exemple type de cette transformation de l’industrie audiovisuelle. Cette rencontre au sommet a été programmée lors de la session nocturne, en première partie de soirée. Amazon détenait donc les droits de diffusion de ce match, ainsi que quelques autres rencontres en co-diffusion avec France Télévisions.
Un scandale pour de nombreux téléspectateurs et acteurs du marché. « Cette décision me choque profondément, commentait au Figaro Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions. Je trouve extrêmement choquant de privilégier un acteur américain comme Amazon au détriment du service public, surtout sur un évènement financé en tout ou partie par de l’argent public », dénonçait-elle.
Marion Bartoli, consultante pour Amazon Prime Video, rappelait quant à elle les termes du contrat liant la FFT à Amazon. « Amazon a signé un contrat, où il est stipulé que le match de soirée serait le plus beau match de la saison », expliquait-elle sur Europe 1. Il est logique que le tournoi respecte ses engagements (…) Il était totalement logique que Prime Video ait ce match ».
Pour calmer les esprits, Amazon Prime avait pris la décision de diffuser le match en clair. Mais le problème n’est pas résolu pour autant.
Le sport à la TV bientôt entre les mains des GAFAM ?
Si la polémique est compréhensible, il convient de replacer la diffusion TV des sports les plus populaires dans une industrie. Et à l’heure où les téléspectateurs veulent une meilleure qualité d’image, des diffusions sans publicités, en dehors des heures de travail, les fédérations doivent trouver d’autres financements.
Lors de la signature du contrat de diffusion de Roland Garros, la FFT précisait que l’arrivée d’un nouveau diffuseur allait faire augmenter le montant des droits de 25%, alors qu’une édition de Roland Garros se négocie autour des 20 millions d’euros.
Ces quelques millions supplémentaires, la FFT les a utilisés pour superviser la production images, travail autrefois géré directement par France TV. Dans le même temps, le groupe public a pu élargir ses plages de diffusion avec des matchs le matin soit « 40% de tennis de plus en clair ». Ces quelques millions serviront aussi à rénover les installations des courts.
Pour la Ligue 1, c’est une autre affaire. La diffusion des matchs sur Amazon n’est qu’une conséquence de l’explosion des enchères lors des négociations avec la LFP. Après le fiasco Mediapro (chaîne Telefoot), la LFP a lancé un nouvel appel d’offres. Canal+ et Amazon en sont ressortis grands vainqueurs moyennant respectivement 332 millions d’euros pour les saisons de 2021 à 2024 pour le premier, et 250 millions d’euros annuels pour le second pour la diffusion de la plupart des matchs de Ligue 1.
Si le montant des enchères n’égale pas le milliard lâché par Mediapro, il reste considérable. Aussi, en 2022, qui d’autre que les GAFAM disposent de suffisamment de ressources pour venir jouer des coudes lors des enchères ?
Rappelons qu’en 2022, Apple et Amazon figurent parmi les entreprises mondiales à la plus forte valorisation. Apple a franchi la barre des 3 000 milliards de dollars de capitalisation en début d’année. Amazon franchissait dans le même temps la barre des 1 700 milliards de dollars.
Difficile alors d’imaginer des chaînes publiques ou des groupes privés nationaux rivaliser avec ces monstres. Aussi, il semble écrit que le sport à la TV sera à l’avenir diffusé sur les plateformes de streaming de ces géants du numérique, moyennant un abonnement mensuel.
La beauté du sport…