Les victimes de Pompéi livrent de nouveaux secrets grâce à leur ADN
Au mois d’octobre 79, l’éruption du Mont Vésuve, un volcan explosif, a surpris les habitants de la ville de Pompéi (Italie) et des villes voisines, les ensevelissant sous plusieurs mètres de cendres et de pierres ponces. Cet événement tragique a figé la ville dans le temps, offrant aux archéologues un aperçu unique de la vie quotidienne à l’époque romaine.
Une équipe internationale de chercheurs vient de mettre la main sur de nouvelles informations fort intéressantes concernant les habitants de Pompéi, ou plutôt les victimes. En analysant l’ADN de quatorze corps, ils viennent de démontrer que certaines interprétations historiques, pourtant acceptées depuis des décennies, étaient largement erronées. Les résultats de leur recherche ont été publiés le 7 novembre dans la revue Current Biology.
L’ADN défie les légendes de Pompéi
Les équipes de l’Université de Florence et de Harvard ont accompli une prouesse technique remarquable : extraire et analyser l’ADN de restes humains vieux de près de deux millénaires, emprisonnés dans les célèbres moulages de plâtre. Sur les 86 corps en cours de restauration, quatorze ont pu être étudiés avec succès et les résultats ont stupéfié les chercheurs.
L’exemple le plus frappant concerne une scène devenue emblématique : un adulte portant un bracelet en or, figé dans une posture protectrice avec un enfant. Cette image, longtemps interprétée comme l’ultime étreinte entre une mère et son fils, cache une réalité bien différente. L’analyse génétique a finalement révélé qu’il s’agissait d’un homme, sans aucun lien de parenté avec l’enfant.
Les identités bousculées par la science moderne
Les surprises se sont multipliées au fil des analyses. Un autre duo célèbre, traditionnellement présenté comme deux sœurs ou une mère et sa fille, s’est révélé inclure au moins un homme. Ces révélations bouleversent quelque peu nos présupposés sur les rôles genrés et les structures familiales dans la société romaine.
En effet, les représentations traditionnelles de la famille romaine, avec des rôles bien définis pour les hommes et les femmes, sont de ce fait mises à mal. L’exemple de l’homme protecteur avec un enfant remet ainsi en question l’idée que seules les femmes avaient un rôle de soin et de protection des enfants.
Peut-être que les structures familiales à Pompéi étaient plus diversifiées et complexes que ce que l’on pensait auparavant. Il existait éventuellement des familles recomposées, des couples de même sexe ou des relations amicales très fortes entre individus de différents âges et sexes.
David Caramelli, archéologue à l’Université de Florence et co-auteur de l’étude, explique : « Cette étude démontre à quel point les récits établis à partir de preuves limitées peuvent être trompeurs. Les interprétations précédentes reflétaient davantage les préjugés des chercheurs de leur époque que la réalité historique ». Les sciences dites dures, comme la génétique, peuvent donc, elles aussi, être influencées par nos propres biais culturels et fausser notre lecture du passé.
Une ville romaine aux mille visages
L’étude ne s’est pas limitée à l’identification des victimes ; les chercheurs ont combiné l’analyse génétique et l’étude des isotopes de strontium. Ce dernier est un élément présent dans les roches, le sol et l’eau et sa composition isotopique varie selon les régions géographiques. En analysant la composition isotopique du strontium dans les dents ou les os d’un individu, on peut, par exemple; déterminer les régions où il a vécu et s’est nourri pendant sa croissance.
En combinant ces deux approches, les chercheurs peuvent ainsi obtenir une image beaucoup plus détaillée et nuancée de la vie d’un individu à un moment x. Cela a permis à l’équipe de dresser un portrait inattendu de la population pompéienne au moment de l’éruption.
Loin d’être une communauté homogène, Pompéi apparaît désormais comme une ville étonnamment cosmopolite. La majorité des individus étudiés descendaient d’immigrants venus de Méditerranée orientale, témoignant de l’incroyable brassage culturel qui caractérisait l’Empire romain.
Alyssa Mittnik, archéogénéticienne à Harvard, explique à quel point cette découverte est importante : « Nos découvertes ont des implications majeures pour l’interprétation des données archéologiques et la compréhension des sociétés anciennes. Elles soulignent également l’importance d’intégrer les données génétiques aux informations archéologiques et historiques pour éviter des interprétations erronées fondées sur des présomptions modernes. Cette étude met par ailleurs en évidence […] des schémas plus larges de mobilité et d’échanges culturels au sein de l’Empire romain ».
Ces nouvelles révélations sur les victimes de Pompéi s’inscrivent dans un mouvement plus large d’un certain renouveau archéologique. Depuis une petite dizaine d’années, l’analyse de l’ADN ancien révolutionne complètement notre compréhension des sociétés antiques, : migrations humaines, dynamiques familiales, pandémies, changements climatiques, etc. Ces récentes découvertes illustrent parfaitement cette tendance et prouvent que cette tragédie antique n’a pas encore livré tous ses mystères.
- L’analyse ADN des victimes de Pompéi a révélé des erreurs dans les interprétations historiques, brisant des légendes longtemps acceptées.
- Ces découvertes montrent une population cosmopolite, avec des structures familiales plus complexes que l’on imaginait.
- Les chercheurs à l’origine de cette étude soulignent l’importance de combiner la génétique et l’archéologie pour éviter des interprétations influencées par nos biais modernes.
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