Les capteurs infrarouges des moustiques : leur arme secrète pour vous repérer dans le noir

Mettez-vous dans la peau (ou plutôt l’exosquelette) d’un moustique Aedes aegypti. Votre mission, si vous l’acceptez : localiser et piquer un humain dans une chambre plongée dans le noir. Impossible ? Pas pour ce petit génie de l’évolution, responsable chaque année de plus de cent millions de cas de dengue, fièvre jaune et Zika. Son cousin Anopheles gambiae, lui, fait encore plus fort avec le paludisme, causant malheureusement plus de 400 000 décès annuels. De quoi donner de véritables sueurs froides à l’humanité… et aux chercheurs.

Le sixième sens du moustique : voir l’invisible

Une récente étude nous parvenant de l’UC Santa Barbara a mis en lumière une capacité insoupçonnée de l’Aedes aegypti : la vision infrarouge. Si on sait que les moustiques se fient à leur flair pour nous débusquer, celui-ci ne serait rien sans cette habileté particulière.

En réalité, les moustiques sont de réels Predators miniatures et c’est encore plus vrai pour l’Aedes aegypti puisqu’il peut repérer sa proie à 70 cm dans le noir le plus complet. Si on devait établir une comparaison théorique avec nous autres, humains, cela signifierait que l’on pourrait faire de même avec une cible située à presque 300 mètres de nos yeux. De quoi faire pâlir nos meilleures technologies militaires !

Pour démasquer ce talent caché, les chercheurs ont mis en place une expérience particulière. Dans une arène à deux zones, ils ont recréé un « coin humain » avec infrarouge à 34° C, CO2 et odeurs corporelles, face à une zone neutre. Sans surprise, nos petits vampires ont foncé vers la chaleur humaine sans hésiter.

L’anatomie d’un chasseur né : du nez aux antennes high-tech

Comment fonctionne ce système de détection ? À la pointe de ses antennes, le moustique cache un véritable laboratoire ambulant. Le capteur vedette de cette armada, baptisé TRPA1, tient le rôle de thermomètre ultrasensible ; à environ 30 cm de distance, quand l’énergie infrarouge atteint son paroxysme, il rentre en action. C’est le signal que le festin est proche.

L’équipe de recherche ont découvert également deux protéines, cousines de celles qui nous permettent de voir, reconverties en détecteurs de température. On les appelle des rhodopsines, et elles font office de sentinelles avancées, captant les signaux infrarouges les plus infimes à longue distance. Dès qu’elles repèrent une source prometteuse, elles sonnent l’alarme, déclenchant une réaction en chaîne qui aboutit à l’activation du TRPA1.

Ce système en deux temps est d’une redoutable efficacité. Les rhodopsines, tels des radars à longue portée, balaient l’horizon à la recherche de la moindre trace de chaleur humaine. Une fois la cible repérée, elles passent le relais au TRPA1, véritable système de guidage de précision, qui affine la localisation pour un ciblage parfait.

Vers de nouvelles armes anti-moustiques ?

Cette nouvelle percée scientifique ouvre un nouveau front dans notre lutte contre ces insectes vecteurs de maladies. Premier constat surprenant : un simple t-shirt ample en polyester pourrait vous transformer en homme invisible aux yeux des moustiques. Malheureusement pour vos extrémités, mains, pieds et visage restent en première ligne.

Si cette découverte fait surtout écho aux nuits moites des tropiques, le réchauffement climatique pourrait bien étendre le terrain de jeu de l’Aedes aegypti jusqu’à nos latitudes. La Californie en fait déjà malheureusement les frais.

On pourrait imaginer dès lors le développement d’un nouveau type de répulsif anti-moustiques, ciblant spécifiquement ces capteurs infrarouges, ou des systèmes perturbant ces signaux pour déboussoler les moustiques en chasse. Sprays provoquant un brouillage infrarouge, dispositifs extérieurs qui émettraient des signaux infrarouges erratiques, combinaisons hermétiques, etc. Nous n’en sommes pas encore là, mais c’est théoriquement envisageable.

En levant le voile sur ce superpouvoir insoupçonné, les chercheurs de l’UC Santa Barbara nous rappellent que Dame Nature a encore bien des tours dans son sac. Cette découverte pourrait bien être l’une des pistes exploitables pour enfin prendre le dessus dans notre bras de fer millénaire avec les moustiques.

  • Les moustiques Aedes aegypti peuvent détecter la chaleur infrarouge humaine jusqu’à 70 cm dans l’obscurité totale.
  • Leur système de détection combine des rhodopsines à longue portée et un capteur TRPA1 pour un ciblage précis.
  • Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives pour la lutte anti-moustiques, notamment des répulsifs ciblant les capteurs infrarouges.

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